Au cours de la dernière décennie, les activités liées aux crypto-actifs ont connu une ascension fulgurante dans le monde des entreprises. En effet, de plus en plus d’entreprises intègrent les cryptomonnaies et les actifs numériques dans leurs activités, que ce soit pour effectuer des transactions, conseiller, investir, créer une plateforme ou un service financier, ou diversifier leurs portefeuilles.

Cette adoption croissante est alimentée par la promesse de technologies innovantes telles que la blockchain, offrant une transparence accrue, une sécurité renforcée et des transactions plus rapides et moins coûteuses. Cependant, cette popularité croissante s’accompagne d’un besoin urgent pour les entreprises de prendre des précautions et d’être vigilantes quant à l’évolution du cadre réglementaire.

Alors que les autorités gouvernementales du monde entier cherchent à comprendre et à réguler cet espace émergent, il devient essentiel pour les entreprises de suivre de près ces développements afin de naviguer en toute sécurité dans ce paysage en constante évolution.

En France, l’un des sujets réglementaires les plus importants à l’heure actuelle est assurément celui des PSAN, ou Prestataires de Services sur Actifs Numériques.

Il s’agit d’un statut que les entreprises doivent obligatoirement obtenir pour pouvoir exercer certaines activités crypto en France, en s’enregistrant auprès de l’Autorité des Marchés Financiers (« AMF« ). Une reconnaissance renforcée de leurs activités par les autorités peut être obtenue grâce à l’agrément de l’AMF si des conditions strictes sont vérifiées, ce qui peut permettre de sécuriser d’un point de vue réglementaire l’activité crypto exercée et donc de leur ouvrir la voie à de la publicité légale.

Cet article se destine à fournir un aperçu des règles relatives aux PSAN et à donner quelques indications sur les étapes à suivre pour obtenir l’enregistrement et l’agrément d’une entreprise auprès de l’AMF, afin que celle-ci puisse exercer des activités crypto.

Pourquoi le régime des PSAN existe-t-il ?

Avant que le secteur des crypto ne se développe, c’est le secteur financier traditionnel qui a été réglementé par les autorités. Les réglementations développées visent à protéger les investisseurs, à prévenir la fraude et le blanchiment d’argent, ainsi qu’à garantir l’intégrité et la robustesse du système financier dans son ensemble.

Par exemple, il existe en droit français:

  • une réglementation venant encadrer l’offre publique de titres financiers avec l’obligation d’établissement d’un prospectus visant à informer les investisseurs sur l’offre de titres.
  • un régime des prestataires de services d’investissement (PSI), destiné aux entreprises qui fournissent des services d’investissement tels que la réception et la transmission d’ordres, l’exécution d’ordres pour le compte de clients, et la gestion de portefeuille. Un tel régime oblige les entreprises à s’enregistrer auprès des autorités pour exercer leurs activités.

En cas d’exercice d’une activité régulée sans avoir obtenu une autorisation (par l’autorité compétente, qui est l’AMF en général), l’entreprise qui fait ces activités s’expose à des sanctions de l’autorité ou celles prévues sur le plan pénal.

Vu que les activités crypto sont aussi considérées par les pouvoirs publics comme des activités à risque, des réglementations venant encadrer ces activités ont été introduites en France, similaires à celles introduites pour le secteur financier classique.

Ainsi, toute entreprise souhaitant exercer une activité crypto considérée par les pouvoirs comme “à risque” doit obligatoirement s’enregistrer auprès de l’AMF. Vous l’aurez compris, un tel régime des PSAN s’inspire grandement de la réglementation PSI pour le secteur financier traditionnel. Il y a donc de nombreux mécanismes qui sont similaires : applicabilité du régime des PSAN dépendant de la nature des activités exercées par l’entreprise, sanctions de l’AMF et/ou pénales en cas d’exercice de certaines activités sans autorisation, etc.

Quelles obligations pour exercer une activité crypto ?

Il existe deux niveaux dans la réglementation française : un niveau obligatoire sous forme d’enregistrement auprès de l’AMF, et un niveau facultatif, destiné à offrir des garanties supplémentaires aux prestataires de services crypto.

Les prestataires de services sur actifs numériques doivent être obligatoirement enregistrés auprès de l’AMF pour exercer en France les activités suivantes selon l’article L54-10-3 du code monétaire et financier :

  • l’achat-vente d’actifs numériques contre des monnaies ayant cours légal (euro, dollar, etc.),
  • leur conservation pour le compte du client (inclus l’accès à des actifs numériques via des clés privées),
  • l’échange d’actifs numériques contre d’autres actifs numériques, 
  • l’exploitation d’une plateforme de négociation portant sur ces actifs, 
  • la réception et la transmission d’ordres sur ces actifs et la gestion de portefeuille de tels actifs pour le compte de tiers.

L’AMF vérifie le respect de conditions concernant la gestion et la réglementation, notamment en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Une liste des prestataires enregistrés est rendue publique, tandis qu’une « liste noire » est établie pour ceux opérant sans enregistrement, avec des sanctions pénales à la clé.

Voici quelques exemples de critères qui sont vérifiés par l’AMF pour valider un enregistrement PSAN :

  • Honorabilité de l’entreprise
  • Compétence professionnelle des personnes en charge de l’entreprise
  • Manières de gérer les affaires

Selon le régime de l’article L54-10-5, les prestataires français peuvent également solliciter un agrément auprès de l’AMF, offrant des garanties supplémentaires pour les épargnants et leur permettant de démarcher et de faire de la publicité auprès des investisseurs. L’AMF publie une liste des prestataires agréés, quand il y en a, pour offrir une transparence accrue dans ce secteur réglementé.

Autorité Des Marchés Financiers

Comment savoir si une activité crypto doit être déclarée à l’AMF ?

La liste complète des services sur actifs numériques est énumérée par l’article L54-10-2 du code monétaire et financier. Comme précisé, seules un certain nombre d’entre elles donnent lieu à un enregistrement obligatoire.

La qualification du service sur actifs numériques est essentielle car elle permet de déterminer tout le régime juridique qui s’ensuit. Pour qualifier une activité dans le champ du PSAN, il convient de vérifier si l’entreprise fait une activité en lien avec un actif numérique. 

Selon l’article L54-10-1 du code monétaire et financier, un actif numérique peut être :

  • Une crypto-monnaie : il s’agit d’une représentation numérique de valeur comme le Bitcoin, les altcoins (de toute nature : des alts utilitaires comme Solana, Ethereum etc. ou bien les meme coins comme Doge, Shiba, Dogwithat etc.), et les stablecoins (USDT, USDC etc.)
  • Un jeton au sens de l’article L552-2 du code monétaire et financier : il s’agit d’un jeton représentant numériquement un droit conféré à son propriétaire. Il se distingue des cryptomonnaies par le fait qu’il ne s’agit pas d’un moyen d’échange à proprement parler : ce n’est pas une valeur, mais un droit. On peut penser par exemple à des utility tokens donnant droit de participer à un club privé crypto en ligne, de voter pour décider de l’évolution d’un produit ou d’une plateforme (c’est le cas par exemple de XTZ) ou d’accéder à un service. En pratique, un jeton non-fongible (ou « NFT ») représentant un droit peut ainsi être assimilé à un utility token.

Par conséquent, les activités qui portent sur tout ce qui ne rentre pas dans ces deux types de jetons ne seront pas dans le champ du PSAN, mais soumises à des régimes qui leur sont propres. On peut citer :

  • Les security tokens qui sont assimilables à des instruments financiers (un token qui représente une action, une obligation, un titre de créance sur la blockchain). Ils sont régis par le régime des instruments financiers et non celui des actifs numériques. En particulier, si une personne souhaite émettre de tels tokens, il faut qu’elle publie un prospectus – comme c’est le cas lorsqu’une entreprise émet des titres financiers au public dans le marché classique.
  • Les NFT qui ne représentent ni un droit ni un moyen d’échange, mais qui représentent un bien divers (une image d’un personnage par exemple, ou une œuvre d’art) ne sont pas des actifs numériques. Dans ce cas de figure, le régime applicable est celui des biens divers.

Partant, les entreprises qui ont des activités liées à la crypto, NFT, tokens ou autre, doivent impérativement s’interroger sur la nature des actifs impliqués dans ces activités (s’agit-il véritablement d’actifs numériques ou non?), ainsi que sur la nature des activités elles-mêmes qui sont pratiquées (s’agit-il d’activités donnant lieu à un enregistrement obligatoire auprès de l’AMF?).

Quelle procédure pour le statut PSAN ?

Le processus de dépôt d’un dossier d’enregistrement pour les prestataires de services sur actifs numériques implique plusieurs étapes et interactions avec les autorités compétentes, notamment l’AMF.

Avant de déposer le dossier, des échanges peuvent avoir lieu pour clarifier les activités exercées et répondre aux questions. Le dossier complet doit être déposé à l’AMF, comprenant une description détaillée des services proposés.

Tout changement significatif après le dépôt initial peut nécessiter un réexamen complet du dossier.

Par ailleurs, des réunions et des conférences téléphoniques sont organisées pour présenter le projet et le dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

Enfin, il s’agit en pratique pour les prestataires de remplir cinq formulaires spécifiques et envoyer leur dossier par e-mail à l’AMF. En cas de documents volumineux, un compte sur la messagerie cryptée de l’AMF peut être ouvert.

La description détaillée de la procédure est fournie par l’AMF sur son site : Obtenir un enregistrement / un agrément PSAN | AMF (amf-france.org)

L’évolution réglementaire à anticiper : le règlement MiCA

Le règlement Market in Crypto Assets ou « MiCA » va être applicable pour l’essentiel de ses dispositions le 30 décembre 2024 (pour les stablecoins, il va être applicable dès le 30 juin 2024). Il va apporter une définition des actifs numériques qui va remplacer la notion inscrite en droit français, et va unifier en Union Européenne le régime des entreprises exerçant des activités crypto : il ne s’agira plus des PSAN mais des Prestataires de Services sur Crypto-Actifs – les « PSCA », qui se verront appliquer un régime uniforme en Union Européenne.

Le cadre de MiCA permettra aux Etats de réguler l’émission de crypto, d’autoriser les entreprises à exercer leur activité crypto sous le statut de PSCA, de contrôler les abus de marché sur les plateformes crypto.

Une période transitoire est prévue pour les PSAN déjà enregistrés en France, ils pourront bénéficier de leur statut sans avoir à suivre les démarches MiCA jusqu’en 2026.

Il convient de noter que ce règlement exclut de son champ les NFT et les security tokens qui auront probablement leur propre règlement européen plus tard. Pour le moment donc, les entreprises spécialisées dans ces actifs spécifiques n’auront pas à suivre les règles de MiCA, car elles en sont expressément exclues.

Celles qui devront suivre MiCA sont les entreprises qui exercent une activité en lien avec des crypto-actifs tels que définis par le règlement : une représentation numérique d’une valeur ou d’un droit pouvant être transféré de manière électronique (article 3, 1, 5 du règlement). Finalement, on retrouve bien les deux notions qu’englobe actuellement le régime du PSAN en France : la cryptomonnaie (qui est une valeur) et le token (qui est un droit). Le champ d’application des PSCA sera donc le même que celui des PSAN.

Pour plus d’information sur le règlement MiCA, nous vous invitons à lire l’article de ComptaCrypto consacré aux évolutions réglementaires européennes :

La réglementation européenne des crypto-actifs : MiCA, DAC8… Anticiper les futures règles crypto