La communauté française crypto en parle beaucoup ces derniers mois : selon le gouvernement, les contrôles fiscaux vont se renforcer à partir de 2024 pour les investisseurs et les utilisateurs de crypto-actifs. Cette dynamique survient dans un contexte de régulation accrue des actifs numériques, où les autorités cherchent à mieux encadrer les transactions et à prévenir l’évasion fiscale.

Cet article se destine à donner un aperçu des outils dont dispose l’administration pour effectuer les contrôles, ainsi que les éléments clefs de la procédure de contrôle fiscal crypto.

Introduction : les outils dont dispose l’administration fiscale pour contrôler vos comptes et plus-values crypto

L’analyse de vos comptes bancaires

Initialement, lorsque les cryptos n’étaient pas encore assez bien appréhendées par l’administration fiscale française, celle-ci se basait quasi-exclusivement sur l’analyse des relevés de comptes bancaires pour redresser un contribuable. 

En effet, les relevés bancaires peuvent permettre de voir les cash-in / cash-out de valeurs en euro depuis une banque vers une plateforme crypto. Si une somme qui est cash-out par un utilisateur est supérieure à celle qui était mise sur une plateforme, elle peut caractériser une présomption pour le fisc que ce contribuable a réalisé une plus-value imposable

Un autre élément des relevés de comptes qui peut attirer l’attention du fisc est la valeur importante des crypto retirées en euro par rapport au reste des revenus du contribuable. S’il gagne un salaire de 40.000 euros par an et qu’il cash-out 100.000 euros de crypto sans rien déclarer, le risque de redressement devient important. Dit simplement, l’administration fiscale part du principe que le contribuable qui a réalisé un niveau élevé de profit était dans le devoir de se renseigner sur le traitement fiscal de ses opérations. 

Les relevés bancaires sont par ailleurs faciles à obtenir pour le fisc puisque les banques ont le devoir de les communiquer à l’administration à sa moindre demande. D’ailleurs, elles doivent aussi et surtout signaler à Tracfin (Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins) les grosses sommes encaissées depuis une plateforme crypto. Ce service de renseignement s’occupera alors d’analyser les opérations et transmettra un dossier à l’administration fiscale si le cas du contribuable est trop suspect.

L’utilisation de nouveaux outils par le fisc

Avec le temps, le fisc a élaboré de nouvelles méthodes pour mieux traquer les plus-values non déclarées et non payées. 

L’utilisation de l’IA pour détecter les discordances, le data mining, l’incitation à la dénonciation des situations irrégulières sont des exemples d’outils de contrôle fiscal en phase de développement, qui verront assurément une généralisation de leur utilisation par l’administration fiscale. 

Nous avons eu l’occasion d’aborder ce sujet dans un précédent article : https://comptacrypto.com/pas-declarer-crypto-quels-risques/ – ce même article détaille les risques et les sanctions en cas de non-déclaration des crypto, nous vous invitons vivement à le lire si vous ne les connaissez pas.

Aussi, l’administration disposera bientôt de nouveaux outils de détection à l’échelle internationale pour analyser les comptes des contribuables. 

En particulier, le règlement MiCA, applicable à partir du 30 décembre 2024, permettra aux administrations fiscales européennes d’échanger automatiquement les informations sur les contribuables : leurs adresses, leurs comptes crypto, leur identité (et d’autres informations) seront connus et échangés de manière automatique. ComptaCrypto a détaillé ce sujet dans l’un de ses précédents articles : https://comptacrypto.com/reglementation-europeenne-crypto-actifs-mica-dac8-futures-regles/

La procédure de contrôle fiscal crypto

En ce qui concerne les procédures à proprement parler, il en existe plusieurs types : il s’agit surtout du contrôle sur pièces et du contrôle sur place. Dans des cas extrêmes, il y a aussi la procédure de perquisition fiscale qui peut potentiellement être mise en œuvre contre les contribuables.

Dans tous les cas, si les agissements du contribuable sont trop graves, l’administration fiscale a l’obligation légale de transmettre le dossier du contribuable à la commission des infractions fiscales qui va se prononcer sur l’opportunité de poursuivre pénalement ce dernier. Tel est le cas si : 

  • La réalisation d’un ou plusieurs procédés frauduleux, par exemple, une déclaration mensongère ou la dissimulation de sommes imposables (élément matériel)
  • L’intention de commettre le délit, c’est-à-dire la fraude (élément moral)

Il s’agit cependant d’un cas d’exception qui n’apparaît que très rarement, car la plupart des investisseurs sont de bonne foi et sont désireux d’être en règle avec l’administration. De plus, cette dernière reste pour le moment compréhensive de la difficulté de la fiscalité des cryptos, car toutes les règles ne sont pas encore bien délimitées.

Les types de contrôles sont exposés dans les paragraphes qui suivent et permettent de se donner une idée de ce qui peut arriver en pratique.

controle fiscal crypto

Le contrôle sur pièces

Il s’agit du cas dans lequel l’administration possède déjà l’ensemble des éléments permettant de constater qu’il existe potentiellement une discordance dans la déclaration de vos comptes / de vos plus-values cryptos. 

Il s’agit d’un cas qui pour le moment n’arrive qu’assez rarement dans le cadre d’un redressement crypto. En effet, pour constater un problème fiscal crypto, il convient en pratique d’investiguer, de rechercher des éléments de faits en demandant au contribuable de les communiquer à l’administration. Celle-ci souhaite lui poser des questions pour comprendre ses transactions et ses activités crypto afin de voir si sa situation est régulière ou non. 

Il est raisonnable de supposer que ce type de contrôle va se développer avec les années puisque le fisc disposera d’outils de collecte automatique d’informations, permettant potentiellement de se passer de la nécessité de questionnement. 

Il convient de souligner que dans le cas du contrôle sur pièces, le contribuable n’est pas au courant que le fisc a mené une enquête sur lui. Il ne prend connaissance de la situation qu’une fois que l’administration a terminé son enquête et qu’elle lui a envoyé une proposition de rectification. Celle-ci correspond à un courrier où le fisc justifie son redressement par des éléments de fait et de droit.

Le contrôle sur place

Il s’agit de la procédure la plus appliquée pour les cryptos. Le contrôle sur place est une procédure dans laquelle le fisc vient investiguer la situation crypto auprès du contribuable, en lui posant des questions, en demandant des éléments de fait et des explications sur sa situation etc. Cette investigation se fait par le bien d’une vérification contradictoire de la situation personnelle. 

Cette procédure commence par un avis de contrôle adressé sous forme de lettre RAR au contribuable, et dure en pratique entre 3 et 6 mois pour un particulier. Elle consiste en des échanges oraux soit dans les locaux de l’administration fiscale, soit à distance, avec (en parallèle) des échanges de courriers portant sur des demandes de pièces. 

Le contribuable sera invité à présenter des éléments relatifs à sa situation personnelle, notamment ses relevés bancaires. Le fisc peut également exercer son droit de communication, sur le fondement de l’article L81 du LPF, auprès de certaines banques étrangères afin de leur demander vos relevés. L’administration peut ainsi vérifier si des fonds crypto d’un exchange n’ont pas été convertis en fiat dans une banque étrangère afin d’éviter l’impôt crypto.

Ainsi, les agents du fisc peuvent analyser les éléments communiqués et demander de justifier les flux de fiat / de crypto. Si des discordances apparaissent, le fisc peut adresser au contribuable une proposition de rectification.

Est-il possible de contester un redressement ?

En pratique la contestation commence au niveau interne au sein de l’administration : il est possible pour le contribuable de dire qu’il n’est pas d’accord avec le redressement, alors il peut s’adresser au supérieur hiérarchique du ou des agents qui l’ont contrôlé. 

Il convient de préciser que si un contrôle commence, durant lequel l’administration a passé du temps sur un dossier, et qu’elle a une forte présomption que ce dossier présente un problème fiscal, il est plus probable que le fisc maintienne sa position malgré la contestation du contribuable. En effet, si les décisions de l’administration étaient facilement contestables, celle-ci serait perdante financièrement : des agents de l’administration sont rémunérés par des deniers publics pour redresser les contribuables en situation irrégulière. 

Alors, dans le cas où l’administration réfute les arguments de contestations, le contribuable a la possibilité d’entrer en contentieux avec elle en se portant devant le tribunal administratif. Il doit alors recourir à l’aide d’un avocat fiscaliste qui tentera de défendre le contribuable face à la décision administrative contestée.

Cas le plus grave : perquisition fiscale crypto

Au-delà des règles de redressement résultant d’un contrôle sur place ou sur pièces, le fisc peut actionner une procédure pour des personnes qui ont gravement violé la loi.

Les perquisitions fiscales liées aux cryptomonnaies sont rares et se produisent seulement dans des cas très spécifiques. Le droit de visite et de saisie, prévu par l’article L 16 du Livre des Procédures Fiscales, permet des perquisitions concernant l’impôt sur le revenu, l’impôt sur les bénéfices et la TVA.

Ces perquisitions sont strictement encadrées : le fisc doit prouver l’existence de présomptions de fraude ou d’autres faits pénalement répréhensibles, et obtenir l’autorisation d’un juge. Bien que cette autorisation devrait théoriquement être basée sur une évaluation minutieuse, dans la pratique, le juge appose souvent sa signature sans examen approfondi.

Les visites peuvent se dérouler entre 6h00 et 21h00, même en l’absence du contribuable, à condition que deux témoins soient présents. À la fin de la perquisition, les agents rédigent un procès-verbal de leurs actions et découvertes. Le contribuable ne peut pas s’opposer immédiatement à la visite, sous peine de sanction pour opposition au contrôle fiscal, entraînant une imposition d’office.

A partir de quelle année le fisc ne peut plus contrôler les déclarations crypto ?

Pour l’impôt sur le revenu, le droit de reprise de l’administration des impôts s’exerce jusqu’à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due, selon l’article L169 du livre des procédures fiscales. 

Le fisc dispose donc d’un délai de 3 ans pour contrôler et redresser un contribuable sur un cash-out de crypto. Au-delà, celui-ci sera “intouchable”, c’est-à-dire que la situation du passé ne va plus être contestée, elle est en quelque-sorte “périmée” : selon la loi, l’administration a manqué son coup, c’est trop tard pour qu’elle agisse. 

Cependant, il existe des cas d’exception qui viendront prolonger ce délai de reprise, cités par le même article L169 du livre des procédures fiscales : 

  • 10 ans en cas d’activité occulte (c’est-à-dire une activité illicite) ou si les revenus proviennent d’une personne morale non immatriculée
  • 10 ans en cas de fraude fiscale, notamment en cas de non-déclaration d’avoirs détenus à l’étranger ;
  • 10 ans en cas de flagrance fiscale, i.e. si le contribuable est en train de faire une fraude et que les agents de l’administration le constatent

Un débat existe sur l’application de ces délais aux personnes qui n’auraient pas déclaré leurs comptes ou leur plus-values de crypto. En effet, l’administration fiscale n’a pas explicitement précisé dans sa doctrine que de telles extensions de délais s’appliquent aux crypto et aux non-déclarations de comptes. 

Il est raisonnable de supposer que ces délais s’appliquent aux cryptos par analogie, dans la mesure où ils sont favorables pour l’administration, et puisqu’ils permettent de sanctionner des comportements illicites.

Conclusion

Le trader doit rester prudent, éviter de publier ses gains sur les réseaux sociaux, et déclarer rigoureusement ses opérations. Utiliser un prestataire comme ComptaCrypto pour calculer les plus-values imposables peut éviter des ennuis fiscaux. En cas de problème, il est conseillé de consulter un avocat spécialisé en fiscalité des cryptomonnaies, même si cela peut être coûteux.