Par Grégoire Loustalet
Avec le trading de cryptomonnaies, une simple gestion de patrimoine privée peut rapidement se transformer en véritable activité professionnelle. Comment le fisc définit ce qu’est un trader professionnel ?
Chaque année, de nombreux contribuables français paient cher l’appréciation erronée de leur propre statut de trading. En effet, il n’est plus rare que l’administration considère qu’un trader de cryptomonnaies ne procède pas à une simple gestion de son patrimoine (trader occasionnel) mais exerce plutôt une véritable activité professionnelle (trader professionnel).
La technique du faisceau d’indices
Pour déterminer qui est professionnel et qui ne l’est pas, l’administration utilise la technique du faisceau d’indices. Cette méthode consiste à réunir l’ensemble des éléments à disposition concernant le trader pour savoir si l’activité de celui-ci est exercée à titre habituel, de manière constante et dans un but lucratif – ou si celui-ci réalise des opérations de manière non habituelle dans le cadre de la gestion de son patrimoine privé.
En pratique, pour apprécier la situation du trader, l’administration va prendre en compte les éléments suivants :
Élément d’appréciation
Trader non-professionnel
Trader professionnel
Délai séparant les dates d’achat et de revente
Long
Court
Nombre d’actifs numériques achetés et vendus
Limité
Important
Moyens et informations à disposition
Utilisation d’un ordinateur courant
Utilisation de serveurs puissants pour la réalisation d’opérations rapides ;
Abonnement à de la documentation spécialisées dédiées
Techniques utilisées
Robots traders mis à disposition par des tiers ne demandant pas ou peu d’intervention de la part du trader
Robots traders développés, paramétrés et maintenus par le trader lui-même
Temps passé par le contribuable à gérer son activité
Quelques heures par mois
Plusieurs heures par jour
Certains éléments sont plus qualifiants que d’autres.
Par exemple, si un individu trade manuellement un volume de 500 transactions par an et qu’il utilise de la documentation spécialisée, alors il sera très probablement considéré comme professionnel. À l’inverse, si un individu trade à l’aide d’un robot fourni par un tiers un volume de 2 000 transactions par an, alors il peut être considéré comme trader occasionnel.
L’exercice d’une activité salariale en parallèle de l’activité de trading n’empêche pas sa qualification en professionnelle. Il est certain qu’un trading à haute-fréquence sera considéré comme une activité professionnelle à part entière.
Professionnel ou occasionnel ? Les conséquences d’une différence d’appréciation entre le fisc et le contribuable peuvent être particulièrement lourdes.
Ces deux statuts ont leur propre régime d’imposition. Bon à savoir : un redressement fiscal peut conduire à une imposition supérieure au montant des gains réalisés.
En effet, une activité professionnelle non déclarée est qualifiée d’activité occulte pouvant entrainer une prolongation du délai de prescription permettant à l’administration de remonter sur 10 ans et une application des majorations à hauteur de 80 %. De surcroit si le montant du redressement excède 100 000 euros, le dossier sera transmis automatiquement au parquet et peut conduire à des poursuites pénales pour fraude fiscale.
Bientôt un nouveau statut dans le trading de cryptomonnaies à partir de 2023.
À compter du 1er janvier 2023, une nouvelle qualification s’intercalera entre le trader occasionnel et le trader professionnel : il s’agit du « trader habituel ». Celui-ci réalise des opérations analogues à celles d’un professionnel.
Dès lors, un trader qui réalise de gros volumes d’opérations ne sera considéré comme un professionnel que s’il s’est immatriculé en tant que trader professionnel au registre du commerce et des sociétés. S’il ne le fait pas, il ne sera plus considéré comme ayant une activité occulte. En effet, la loi admet qu’il puisse réaliser des opérations de manière habituelle dans des conditions analogues à celle d’un professionnel.
Vers une meilleure sécurité juridique pour les contribuables.
Le principal avantage de cette mesure est d’offrir une meilleure sécurité juridique pour les contribuables. Toutefois, il restera possible pour l’administration de requalifier à la marge certaines situations en activité occulte.
Attention ! Il est probable que certains traders qui auraient été considérés comme occasionnels avant le 1er janvier 2023 se retrouvent être finalement considérés comme habituels. En effet, il suffit que les conditions d’exercice soient analogues – mais non identiques à celles d’un professionnel pour que l’activité soit considérée comme habituelle. De ce fait on peut s’interroger sur le fait de savoir si par exemple le recours à des robots de trading développés par des tiers ne risquerait pas de conduire à l’administration à considérer l’activité comme habituelle entrainant la perte de l’application du taux préférentiel de 30%.
Avocat-fiscaliste et Docteur en droit, Grégoire Loustalet est co-fondateur de ComptaCrypto. Il est également associé fondateur du cabinet parisien LWM, qui a pour but d’accompagner ses clients sur l’ensemble des problématiques juridiques, fiscales et sociales.